mercredi 30 octobre 2013

LOUIS-JEAN CALVET, Les politiques linguistiques

Chap.I Aux origines de la politique linguistique

Politique linguistique: détermination des grands choix en matière de rapports entre les langues et la société. Planification linguistique: mise en pratique de ces choix. Deux notions inséparables.

1. Naissance du concept et de son champ d'application


1959: Einar Haugen sur les problèmes linguistiques de la Norvège, parle de language planning, expression reprise en 1964 par les linguistes alors qu'ils fondent la sociolinguistique, qui parlent alors de "sociolinguistique appliquée. S'ensuivent de nombreuses publications, d'abord sur la question de la planification, puis sur celle de politique: aménagement au Québec, normalisation en Catalogne, glottopolitique ailleurs. Des tâtonnements parfois purement lexicaux. Les chercheurs américains privilégient l'aspect planification, les européens le politique. Des concepts prennent forme pour rendre compte des situations de plurilinguisme (diglossie). S'ils semblent d'abord liés aux minorités linguistiques ou aux PVD, ils s'en détachent ensuite: hispanophones aux EU, CEE, etc.

2. Le premier modèle de Hagen

Il faut distinguer planification indicative (ouest) et impérative (est). Leurs points communs: caractère national (et étatique), élaboration et exécution d'un plan, évaluation.. Haugen distingue: problèmes, décideurs, alternatives, évaluation (critères objectifs), mise en oeuvre (utilisateurs). Haugen n'invente rien, il délimite un terrain d'activité sans trop se soucier  du lien entre langues et société.

3. L'approche "instrumentaliste"

C'est une impasse de considérer la langue comme rationnelle ou efficace en elle-même; une langue réponde d'abord à des besoins sociaux. Pourtant, en l'absence de sociolinguistique formalisée, Tauli prétend améiorer les langues, selon des critères sportifs. Cette ambition témoigne de la linguistique d'alors, qui étudiant la langue d'un point de vue interne.

4. Le second modèle de Hagen

Langues Abstand et langues Ausbau (Kloss). Puis, distinction plus fondamentale: corpus et status, complétée par Hagen (1983) avec forme et fonction de la langue. On a ainsi le schéma d'une planification: choix (status et forme) , codification corpus et forme), application (status et fonction) et modernisation (corpus et fonction). Exemple de l'Indonésie.

5. L'apport de la sociolinguistique "native"

Elle lie théorie et pratique. Partant de Ferguson (variété haute, variété basse), catalans, occitans et créolophones critiquent la diglossie, qui débouche soit sur la substitution (la dominante remplace la dominée), soit sur la normalisation (la dominée recouvre ses fonctions). Modèle homéostatique, avec autorégulation. Système, fonctions linguistiques de la société, fonctions sociales de la langue qui doivent se correspondre.D'abord descriptif, ce modèle devient militant en Catalogne, en sollicitant l'intervention humaine.

Chap.II Les typologies des situations plurilingues
Les premières préoccupations de politique linguistique entrainent le développement de la sociolinguistique, qui crée alors des instruments pour agir.

1. Ferguson et Stewart

Concept de diglossie créé par Ferguson, développé par Stewart. Diglossie: répartition fonctionnelle des usages entre deux langues ou deux formes d'une même langue. Ferguson puis Stewart cherchent à mettre au jour des situations-types, puis à les mettre en équation. Mais les critères choisis manqueront souvent d'objectivité ou de clarté.

2. Les propositions de Fasold

1984, Fasold revient sur la question, raisonnant en termes d'attribut et de fonction, chaque fonction requérant certains attributs. L'idée est intéressante, mais ses critères manquent de finesse.

3. Le modèle de Chaudenson

Elabore un instrument de comparaison entre status et corpus d'une langue. La langues par rapport à un pays: dans cette perspective, des comparaisons instructives sont mises à jour (ex: arabe, berbère, français au Maroc; bambara, songhaï, français au Mali), permettant d'établir des diagnostics et dde formuler des objectifs.  Se pose alors la question du degré de fonctionnalité: une langue est-elle équipée pour remplir telle ou telle fonction,pour augmenter son degré de reconnaissance? On peut aussi intervenir sur son degré d'usage. Choix du type d'action (recfonnaissance, usage), et équipement en conséquence.

Conclusion
De multiples données doivent être considérées. Les données symboliques et conflictuelles sont les plus compliquées.

Chap.III Les instruments de la planification linguistique

S1: situation initiale, S2: situation désirée. Politique linguistique: définition des différences entre S2 et S1, planification linguistique: comment passer de S1 à S2.

1. L'équipement des langues

Toutes les langues ne peuvent pas remplir les mêmes fonctions. Si pour desw raisons politiques, on désire utiliser telle pour telle fonction, il faut alors l'équiper.

L'écriture: donner un système de transcription aux langues non écrites (avec au préalable de la travail d'étude de la langue). Exemple des langues africaines, tranché en 1966 à Bamako. Après ce stade scientifique et technique, vient le stade pratique de diffusion.
Le lexique:difficile d'expliquer la théorie de la relativité dans une langue indienne d'Amazonie...Création de mots, soit pour faire remplir à une langue une fonction nouvelle pour elle (arabisation, malais), soit pour lutter contre les emprunts (Québec). Les néologismes doivent être acceptés par les locuteurs pour exister.
La standardisation: face à une situation de dialectalisation, sélectionner une des formes en présence (jacobinisme), soit forger une forme moyenne.
De l'"in vivo" à l'"in vitro": gestion "in vivo" des situations linguistiques, relève des pratiques sociales: création de langues aproximatives (pidgin), de langues véhiculaires (munukutuba au Congo), promotion d'une langue existante (bambara au Mali, Wolof au Sénégal), néologismes; "in vitro", politique linguistique, parfois conflictuelle avec les sentiments linguistiques des locuteurs.

2. L'environnement linguistique: présence (ou absence) des langues, sous leur forme écrite ou orale, dans la vie quotidienne. Ex: Hong Kong, New York. Dans cet environnemment sont des supports propices à une intervention "in vitro". Dénotation/connotation.
3. Les lois linguistiques: pour appliquer une décision prise. Mais la langue peut-elle être objet de loi? Lois qui portent sur la forme, sur l'usage ou sur la défense des langues. Niveaux d'intervention: international/national/régional. Niveau d'intervention juridiqueconstitution/loi/décret/résolution/
recommandation, mode d'intervention (incitatif/impératif).
Nommer la langue: exemple de l'espagnol, devenu officiellement le "castillan". Du mais, devenu "bahasa indonesia
Nommer les fonctions: langue nationale, officielle, régionale, langue "propre", langue d'ouverture. Ex de la Mauritanie.
Principe de territorialité ou de personnalité?le plus souvent, la langue a une dimension nationale. Principe de territorialité: le catalan en Catalogne, le néerlandais dans la partie flamande, etc. Principe de personnalité: français ou néerlandais à Bruxelles, anglais ou français au Canada, etc. Problème du Sénégal, avec six langues nationales (wolof, peul, sérère, mandingue, diola, soninké), aucun des deux principes n'est applicable.
Le droit à la langue: d'une part, protection des minorités linguistiques, mais aussi d'autre part, droit à la langue de l'Etat!
Conclusion: rôle fondamental du linguiste pour évaluer la situation et les moyens.

Chap.IV L'action sur la langue (le corpus)

1. Le problème de la langue nationale en Chine
2. Intervention sur le lexique et l'orthographe d'une langue: l'exemple du français
3. La fixation de l'alphabet bambara au Mali
4. La "révolution linguistique" en Turquie
5. La standardisation d'une langue: l'exemple de la Norvège

Chap.V L'action sur les langues (le status)

1. La promotion d'une langue véhiculaire: le cas de la Tanzanie
2. La promotion d''une langue minoritaire: le cas de l'Indonésie
3. La paix linguistique suisse
4. La défense du statut international d'une langue: le cas du français
5. Le remplacement d''une langue coloniale: les débuts de l'arabisation au Maghreb



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